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B. L'Orient à la veille des croisades
Vers l'an mil, le Moyen-Orient islamique ne connaît pas de
véritable unité. Cette civilisation naît d'un vaste mouvement
d'expansion provenant de l'Arabie. L'unité de l'islam n'est pas vraiment
naturelle. Elle résulte essentiellement d'une volonté politique et
stratégique, difficile à obtenir et à maintenir, surtout à ce moment de
l'histoire. Les califes
qui succèdent au Prophète se font la guerre. Depuis la grande époque de
la dynastie abbasside (XIe siècle) aucun calife ne parvient à
asseoir réellement son pouvoir. L'Islam se divise en deux. Les sunnites,
majoritaires, sont les héritiers des Abbassides. Quand à la dynastie
fatimide, elle instaure un califat rival au Caire appuyé par les chiites.
La zone d'influence de l'Islam est énorme et les territoires
conquis lors de l'expansion musulmane représentent une surface nettement
supérieure à la taille moyenne d'un royaume en Occident. Toutes ces
terres ne sont pas habitées et parfois même demeurent désertiques, mais on
trouve également des villes magnifiques et très peuplées. L'unité de ce
vaste empire s'acquerra peu à peu grâce à deux facteurs : la religion et
la langue. Au XIIe siècle, la religion musulmane est présente
en Afrique du Nord, en Espagne (jusqu'au Sud de Barcelone) et s'étend
jusqu'au Pendjab. On retrouve également son influence jusqu'en Mongolie.
Une
culturelle et intellectuelle particulièrement active anime la civilisation
musulmane. De nombreuses universités s'érigent dans les principales
villes musulmanes. Les Arabes ainsi que les Perses comptent de grands
scientifiques et d'ingénieux savants qui font progresser les
mathématiques, la médecine et la géographie.
En 1040, les Turcs seldjoukides déferlent sur le Moyen-Orient.
Sunnites récemment convertis, ils s'emparent de la Perse orientale et de
l'Afghanistan. Cet empire atteint son apogée en 1070 lorsque le sultan Alp
Arslan écrase l'armée byzantine au cours de la bataille de Mantzikert.
Quelques années plus tard, la menace qui vient de l'Occident ne parvient
pas à unir cet immense empire déchiré par des luttes intestines. La
discorde qui règne au sein du monde musulman facilitera l'entrée des
chrétiens en Orient. Les croisades vont néanmoins constituer le prétexte
d'une unification du monde musulman. Au début, les Francs sont considérés
comme des ennemis que l'Islam a l'habitude de combattre. Plus tard, Nûr
al-Dîn et Saladin comprennent que ces expéditions venues de l'Occident
n'ont pas pour seul mobile une prétention territoriale, mais qu'il s'agit
bien d'une guerre de religion. C'est à partir de là qu'ils vont réveiller
les sentiments d'unité de l'Islam et proclamer le djihad visant à unifier
le monde musulman. Espoir encore vivace de nos jours au sein du monde
arabe.
C. L'appel du pape Urbain II au concile de Clermont
Pour les chrétiens de l'époque, le pèlerinage à Jérusalem vaut rémission
des péchés. Lieu de la naissance et de la mort de Jésus, la Terre sainte
occupe une place particulière dans l'esprit de ces fervents pèlerins.
Dans la mentalité de l'époque, à la fin des temps, la Jérusalem céleste
descendra dans la Jérusalem terrestre. Lors du Jugement dernier, mourir à
Jérusalem permettra au chrétien d'être près de Dieu. En 1064 déjà,
l'évêque de Bamberg, Günther, accompagné de douze mille personnes se rend
à Jérusalem. Cependant, la conquête des Turcs interrompra les pèlerinages
en Terre sainte. A l'origine, le terme "pèlerin" signifie "voyageur" ou
"étranger". La conception des chrétiens les plus fervents est que la vie
sur terre constitue un pèlerinage. Les chrétiens sont des voyageurs
exilés de leur véritable demeure : le Ciel. On trouve dès le IIe
siècle des pieux voyageurs qui entreprennent le long voyage jusqu'au
tombeau du Christ.
C'est le 27 novembre 1095 que le pape Urbain II demande aux
chrétiens de se mobiliser pour combattre d'Infidèle. A Byzance, la
chrétienté est menacée et l'empereur Alexis Ier Comnène lance
un appel en direction de l'Occident. Le pape n'éprouve aucun mal à
convaincre la foule du péril encouru par la chrétienté depuis l'invasion
des Turcs en Asie Mineure. Il affirme que les églises sont pillées,
brûlées et que les fidèles du Christ sont massacrés.
L'idée d'une guerre juste avait été énoncée par un des Pères
de l'Eglise, Saint Augustin. S'il s'agit de combattre l'Infidèle et de
restaurer les terres appartenant aux chrétiens, la guerre est acceptable.
Dans ce contexte, les participants de la croisades n'éprouveront aucune
mauvaise conscience puisqu'ils récupéreront la Terre sainte, héritage que
leur a laissé le Christ. Pour ces pèlerins, il ne fait aucun doute que de
réelles motivations religieuses les poussent à partir. Les participants
de ce grand pèlerinage cousent une croix sur leurs habits. Ils porteront
le nom de croisés.
Que signifie exactement ce terme? En réalité, le mot sera
ignoré jusqu'en 1250. Les participants de cette grande expédition sont
appelés "soldats du Christ". En latin médiéval, ce sont les
crucesignati. Les croisades sont désignées comme le "voyage du
Saint-Sépulcre" ou "le voyage de Jérusalem". On peut considérer les
croisades comme des guerres saintes visant à reconquérir des terres
chrétiennes ou à protéger l'Eglise. Les musulmans ne sont pas les seuls
ennemis de la chrétienté. Les Mongols, les païens, les hérétiques,
tous doivent être combattus au nom de Dieu. Le Christ encouragerait ces
guerres par l'intermédiaire du pape.
Des motivations politiques poussent le pape à rassembler tous
ces chrétiens et à les envoyer combattre l'Infidèle. Urbain II voit
l'occasion de rétablir l'unité entre la chrétienté d'Orient et d'Occident
séparées depuis le schisme en 1054. Byzance en péril, le pape, en
envoyant du secours, peut réunir les deux empires sous son égide. En mars
1095, l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène envoie des
ambassadeurs auprès du pape. Il lui demande de l'aider à repousser les
redoutables cavaliers turcs seldjoukides. Urbain II prend l'initiative de
cette croisade en passant au-delà de l'avis du roi et s'adresse
directement aux fidèles. Il assure la protection de leurs biens en leur
absence et la suspension des actions intentées en justice contre eux.
Certains seigneurs endettés trouvent la solution pour échapper à leur
suzerain. De plus, beaucoup des cadets de famille, sans l'espoir d'un
grand avenir, voient dans cette expédition la possibilité de faire fortune
dans ce riche et lointain Orient. Cependant, il est nécessaire de
rappeler que la conviction profonde de la plupart de ces hommes est
d'aller délivrer le Saint-Sépulcre.
D.
La première croisade ( 1096-1099)
Beaucoup de chevaliers répondent à l'appel du pape : Raymond
de Saint-Gilles, Godefroi de Bouillon, Hugues de Vermandois, Bohémond de
Tarente et son neveu Tancrède. Ces chevaliers, à la tête de quatre
armées, ne dépendent pas d'un royaume. Les plus riches et les plus
puissants de ces hommes rêvent d'obtenir une principauté en Orient et de
faire fortune.
Cependant, une foule de pauvres gens aussi participent à la
croisade. Désargentés, certains vendent les biens qui leur reste pour
partir. Beaucoup prennent la route pour sauver leur âme ou effacer les
crimes qu'ils ont commis. Sans beaucoup d'espoir, ces chrétiens ne
comptent que sur la miséricorde de Dieu pour achever leur existence dans
la dignité. A l'époque, les tourments de l'enfer suffisaient à terroriser
ces croyants qui abandonnaient tout afin de se racheter.
La première vague part de croisés part au mois d'août 1096,
emportant avec eux femmes et enfants. Ces hordes de pauvres gens
emportent des troupeaux entiers de porcs, de vaches et de moutons. Des
chariots remplis de provisions d'orge et de blé ferment le convoi. A leur
tête, un prédicateur ardent, Pierre l'Ermite. Environ quinze mille
personnes quittent la France avec lui. Venus du Berri, d'Orléans, de
Champagne et de Lorraine, tous décident de le suivre pour cette grande
expédition. Cette croisade populaire, qui arrive à Constantinople en août
1096, est entachée de massacres et de pillages.
Tout au long du chemin, certains guerriers fanatiques
contraignent les Juifs à se convertir ou les massacrent sans pitié. Les
chrétiens les tiennent pour responsables de la crucifixion de Jésus. Des
émeutes antisémites et des massacres ont lieu en France, mais aussi en
Rhénanie où la communauté juive de Mayence est décimée. Byzance est sous
le choc. L'empereur Alexis s'empresse de faire passer les croisés sur la
rive asiatique du Bosphore.
Ces
derniers se dirigent vers le territoire turc et se font massacrer presque
tous par des guerriers turcs qui investissent leur camp. Alexis recueille
les rescapés du massacre et organise leur retour en Europe. Mais les
Francs d'Occident se méfient et le soupçonnent de trahison. Des
accrochages ont lieu entre les Francs et les Grecs de l'empereur Alexis.
Celui-ci obtient quand même que les chevaliers francs lui prêtent hommage,
lui jurent fidélité et s'engagent à lui rendre les terres conquises sur
les Infidèles ayant appartenu à Byzance. Les Byzantins reprendront Nicée
en 1097, grâce aux Francs.
Dirigeants suprêmes de la communauté musulmane. Successeurs de
Mahomet.
Sunna : tradition. S'opposent aux chiites à propos de la succession
de Mahomet.
Ils reconnaissent Ali, gendre de Mahomet, comme son unique successeur.
Qui croient en une religion, une doctrine qui n'est pas reconnue par
l'Eglise.
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