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LES CROISADES :
FRACTURE ENTRE L’ORIENT ET L’OCCIDENT ?
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1. Le siège d'Antioche
       Pendant sept mois, la population résiste à l'assaut des croisés.  Cette ville byzantine compte un nombre importants de chrétiens arméniens[1] et jacobites[2]. Ville fortifiée, elle est pratiquement imprena­ble pour les Francs habitués à des châteaux en bois !  La situation des croisés est difficile, car ils doivent faire face aux armées d'Alep et de Damas venues aider la population assiégée.  De plus, la famine les oblige à partir se ravitailler de plus en plus loin.  En mai 1098, la situation des croisés est tragique : l'atabek[3] de Mossoul, Kerbogha, vient délivrer Antioche. Mais avant son arrivée, un renégat, ouvre les portes de la ville qui tombe aux mains des Francs.  Antioche devient chrétienne et Bohémond prend la tête de la ville.  Certains seigneurs se taillent des duchés et des principautés tandis que les plus pauvres veulent continuer et aller libérer le Saint-Sépulcre.  Parmi ces petites gens se développe l'idéologie des ébionites.  Le plus grand dénuement est l'unique condition de leur salut.  On les appelle les Tafurs[4].  Ils inspirent la terreur aux musulmans bien qu'ils ne soient pourvus d'aucune arme.  Seule leur foi les pousse à aller de l'avant.  Ils tuent systématiquement les Orientaux qui se trouvent sur leur passage et parfois même les mangent !
 2. La prise de Jérusalem
       Les croisés atteignent les murailles de la ville en 1099.  Ils manquent bientôt d'eau et de vivres.  Convaincus d'un miracle, ils pro­clament un jeûne publique.  Ils ne sont plus que douze mille hommes affamés et ils décident de faire une procession autour de la ville. 
      Deux jours plus tard, ils donnent l'assaut et franchissent les murailles de Jérusalem.  Et c'est le carnage !  Les Francs pillent, brûlent et massacrent la population.  Certains Juifs qui se réfugient dans les synagogues sont brûlés vifs.  Quelques dizaines de survivants sont vendus comme esclaves et certains musulmans fuient vers Damas.  La prise de Jérusalem et le comportement brutal et sanguinaire des Francs marquera profondément les mentalités des Orientaux.
 3. Le royaume de Jérusalem
       Pour la première fois depuis longtemps (environ 450 ans), l'endroit où le Christ est mort crucifié appartient de nouveau aux chrétiens.  Après l'horreur du siège, les croisés entreprennent de reconstruire la ville sainte.  Près de la mosquée al-Aqsa, un palais royal est construit.  A l'époque, les cartographes chrétiens la situent au centre du monde.  Elle est représentée selon une forme circulaire et symbolise la perfec­tion de la Jérusalem céleste.
        Godefroi de Bouillon, chevalier admiré, est choisi pour prendre le titre de roi de Jérusalem.  Il refuse ce titre et lui préfère celui "d'avoué du Saint-Sépulcre".  Nombre d'historiens s'accordent à dire que de véritables considérations religieuses l'ont poussé à refuser le titre de roi, tandis que d'autres pensent que Godefroi s'est soumis à la volonté du Saint-Siège. A sa mort, son frère Baudouin lui succède. Ce dernier se fait couronner roi à Bethléem.
      Mais en réalité, il n'existe pas de royaume.  Beaucoup de croisés ont repris le chemin de l'Occident et Baudouin ne dispose plus que de quelques centaines de chevaliers.  En effet, lorsque la plupart des croisés ont accompli leur mission, ils prennent le chemin du retour.  La croisade n'est pas une entreprise de colonisation.
      En Occident d'autres expéditions se préparent, mais toutes échouent et aucune n'atteint Jérusalem.  Les Francs qui sont restés en Terre sainte doivent affronter la Syrie et l'Egypte.  La flotte italienne vient en renfort et bat la flotte égyptienne.  Des pèlerins arrivent chaque année et prennent les armes.  Ils s'ajoutent aux Francs qui demeurent à Jérusalem.  Pendant trente ans, Baudouin Ier puis Baudouin II s'efforceront d'apporter une cohérence à ce vaste royaume de Jérusalem.
        Les croisés organisent un système féodal à Jérusalem.  Le royaume de Jérusalem est organisé et divisé tel des seigneuries.  Ces régions se trouvent sous l'autorité des vassaux du roi.  Le monarque possède son propre territoire qu'il dirige selon des règles administratives valables pour toutes les seigneuries.  Les relations entre le vassal et son suzerain est la même qu'en Occident.  Tous deux sont liés par des obligations qui sont régulées par des cours de justice, nées en raisons des fréquentes controverses entre les deux parties.  Néanmoins, seuls les chrétiens peuvent recourir à ces cours de justice.  Eux seuls détiennent le pouvoir politique. Les comtés de Tripoli et d'Edesse ainsi que la principauté d'Antioche s'inspirent de l'organisation politique des musulmans.
        Ce système féodal convient parfaitement aux colons car le service militaire que doit faire le vassal augmente les effectifs militaires. Il faut cependant constater que le nombre de chevaliers n'est pas très élevé.  On n'en compte guère plus de 2000 dans tous les Etats latins d'Orient.  Le roi se voit obligé d'octroyer des revenus aux éléments qui assurent la défenses de ces Etats : les mercenaires.
E. La deuxième croisade (1147-1149)
              D'une énorme ampleur, elle est motivée par les déboires que connaissent les croisés à Jérusalem.  En 1144, les musulmans s'emparent du comté d'Edesse aux mains des Occidentaux depuis 1098.  Le pape Eugène III, pressentant le danger, lance un vibrant appel aux fervents chrétiens pour qu'ils partent en Terre sainte.  Pour les convaincre, il leur promet une série d'avantages matériels et spirituels.  Cependant, l'accueil des occidentaux est tiède.
           Quels sont ces avantages et ces privilèges ?  Les privilèges des croisés prendront une forme légale dès le XIIIe siècle, néanmoins nombre de prédicateurs en parlent bien avant :
- les propriétés des croisés sont protégées durant leur absence;
- ils ont le droit à l'hospitalité de l'Eglise pendant leur pèlerinage;
- ils obtiennent un délai pour l'accomplissement de leur service féodal;
- leurs dettes sont supprimées jusqu'à leur retour;
- ils ne doivent pas payer d'impôts;
- les péchés des croisés sont automatiquement rachetés par l'indulgence octroyée au nom de Dieu.
            Le pape nomme Bernard, abbé de Clairvaux, comme principal prédicateur de cette deuxième expédition.  En 1146, le recrutement des croisés commence.  En avril 1146, le roi Louis VII prend la croix à Vézelay.  L'abbé de Clairvaux prêche devant une foule immense. 
        Figure intellectuelle éminente, Bernard suscite un véritable enthou­siasme parmi la foule.  Il voyage pour prêcher et appeler les occidentaux à partir en Terre sainte.  Il parvient à convaincre le roi Conrad III de Germanie de participer à la croisade.  Pour cet abbé, la croisade est une occasion pour les participants de gagner leur salut.
           Les armées de Louis VII et de Conrad III arrivent à Constantinople à l'automne 1147.  Le principal objectif des croisés est de reprendre le comté d'Edesse tombé aux mains des musulmans.  Les pèlerins allemands et français se divisent.  Conrad III subit une grave défaite en affrontant les Turcs à Dorylée.  Le sort des Français n'est guère plus enviable.  Ils subissent les attaques des Turcs et l'armée doit résister à la rigueur de l'hiver.  Louis reçoit l'appui des Templiers et parvient à atteindre la Syrie.  Une fois là-bas, il renonce à reprendre Edesse et s'en va pour Jérusalem.  Ses troupes, ainsi que celles de Conrad, le rejoignent en Palestine.  Les Francs décident d'attaquer Damas au mois de juillet.  Ils subissent une humiliante défaite. Une certaine rancoeur subsistera entre les Etats latins et l'Occident.  Le bilan de cette deuxième croisade est négatif sur bien des points.
           L'échec de la deuxième croisade obligera les croisés à élaborer un système de défense plus performant.  Les forteresses constitueront l'élé­ment essentiel de cette défense.  Dès leur arrivée en Orient, les Francs ont bâti des châteaux qui leur servent de résidence, mais aussi (comme en Occident) de centre administratif et économique. 
            Par la suite, l'aspect défensif et militaire de ces châteaux sera mis en évidence.  Néanmoins la force de défense de ces forteresses réside surtout dans la valeur guerrière de leurs garnisons. 
F. Les ordres militaires
            Avec les croisades naît une nouvelle forme d'ordre religieux : les moines soldats.  Leur intervention et leur soutien dans les Etats latins d'Orient deviennent vite nécessaires.  Leur importance s'accroît au fil du temps.  Ils prendront souvent part aux affrontements décisifs entre les Francs et les musulmans.   On distingue trois ordres militaires religieux : les Templiers, les Hospitaliers et les Chevaliers Teutoniques.
1. Les templiers
       Fondé en 1119 par Hugues de Payns, l'ordre des Templiers à pour objectif d'assurer la sécurité des pèlerins qui se rendent à Jérusalem.  Comme les moines, les Templiers observent des règles très strictes : la chasteté, la pauvreté et l'obéissance.  En revanche, ils doivent se nourrir correctement afin d'être toujours en forme et en bonne santé.  Avec le temps, l'ordre prend de plus en plus d'importance et il gère une fortune énorme provenant essentiellement de dons.  En 1312, le pape aboli l'ordre.  Quelques années plus tard, le roi Philippe le Bel condamne le dernier Grand Maître des Templiers, Jacques de Molay, au bûcher.
 2. Les Hospitaliers
       Au XIe siècle, des frères fondent l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.  Raymond du Puy décide un peu plus tard d'en faire un ordre militaire. 
Loin d'être pacifiés, les Etats latins d'Orient n'offrent pas des garanties de sécurité aux pèlerins.  Le rôle des Hospitaliers consistera à défendre des forteresses occupées par les croisés.  Leur ardeur au combat et leur discipline impressionneront souvent les musulmans lors des batailles. 
        Après les croisades, les Hospitaliers quittent les Etats latins d'Orient et on les retrouve à Chypre, à Rhodes et à Malte.  Ils demeurent dans ces îles jusqu'en 1798, date de leur expulsion par Bonaparte.
 3. Les Chevaliers Teutoniques
       L'ordre des Chevaliers Teutoniques voit le jour à Jérusalem à la fin du XIIe siècle.  Il s'inspire du modèle des Hospitaliers et des Templiers.  Ils prendront part aux combats de Saint Louis en Egypte.  Après les croisades, ils conquièrent un vaste Etat en Prusse.  L'ordre sera supprimé par Bonaparte en 1809.

 

[1] L'église arménienne est fondée au IVe siècle.  Eglise monophysite.
[2] Eglise monophysite (une seule nature divine au Christ) syrienne fondée par Jacob Baradée.
[3] Officier supérieur turc nommé tuteur d'un prince seldjoukide.
[4] Ils sont appelés aussi les pauvres ou les Tziganes.



 

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