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LES CROISADES :
FRACTURE ENTRE L’ORIENT ET L’OCCIDENT ?
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LES HOMES EN CROISADE
A. Les petites gens
            Les chrétiens de l'époque veulent se rendre sur les lieux où le Christ a vécu.  Faire un pèlerinage qui les mènera sur la terre sainte en Palestine suscite un enthousiasme extraordinaire au sein de la population chrétienne du Moyen Age. Les premières personnes à partir en croisade sont des pauvres qui décident d'aller délivrer le tombeau du Christ.
             Avant même que la première croisade ne soit proclamée officiellement, une foule de pauvres gens se met en route : enfants, vieillards, femmes, paysans, ... A leur tête, un prédicateur fervent : Pierre l'Ermite.  Aujourd'hui encore, la réalité historique et la légende née autour de cet homme s'entremêlent.  Le témoignage de
Guibert de Nogent[1] qui l'a connu décrit l'homme ainsi :
            "Je l'ai vu emplir les villes et les bourgs par le succès de sa prédication et entouré d'une telle foule, comblé de tant de présents, acclamé d'un tel renom de sainteté, que je ne me souviens pas que personne ait reçu semblable honneur ...  En tout ce qu'il faisait ou disait, il semblait toujours animé de quelque chose de divin."  
          Très vite la légende s'empare de ce petit homme "qui portait une tunique de laine, un capuchon de bure, un manteau qui lui battait les talons et qui marchait pieds nus, sans chausses"[2].  De nombreuses chansons de geste et des épopées le transforment en noble, en guerrier valeureux, ...
Il est en tout cas probable que son éloquence a marqué tout ce peuple.  Pierre l'Ermite[3] prend donc la tête de la première expédition en Terre sainte grâce au succès de sa prédication.  Les historiens actuels évaluent à environ vingt mille le nombre de personnes qui le suivent.  Pour comprendre l'impact que l'homme exerce sur ces paysans, il faut se rappeler qu'à l'époque, la guerre était réservée aux nobles.  Enfin quelqu'un proposait aux plus pauvres de se transformer en combattants et d'aller accomplir le devoir le plus digne pour un chrétien : délivrer le tombeau du Christ !
            Tout au long de la croisade, on verra même les plus pauvres affronter les barons qui ne pensent qu'à s'enrichir et leur rappeler le but sacré de leur expédition.  Durant la troisième croisade, le peuple s'indignera face aux disputes qui divisent les rois d'Angleterre et de France. 
           Les plus fervents ne conçoivent pas que les souverains se détournent de la sorte de leur voeu au profit de leur ambition personnelle. Durant les croisades, des mouvements populaires et spontanés se succéderont faisant dire aux historiens les plus récents que l'idée même de croisade ne peut être dissociée de celle de pauvreté.
 b. Les femmes
            Qu'elles choisissent de partir en croisade avec leur mari ou qu'elles restent, les femmes se montrent souvent courageuses et font preuve d'une attitude pleine d'abnégation. 
             Les soldats qui partent en croisade ont besoin de servantes et de vivandières pour les accompagner.  Lors du siège d'Antioche, les femmes aident les hommes en les ravitaillant en eau :
            "Nos femmes, ce jour-là, nous furent d'un grand secours en apportant de l'eau à boire à nos combattants et aussi en ne cessant de les encourager au combat et à la défense."
                                                                                                        L'ANONYME
             Certaines d'entre elles participent même aux combats en profitant de ce que l'armure les faisait passer pour des hommes.  Les chroniqueurs arabes citent quelques cas de femmes "fanatiques" qui se sont illustrées lors de batailles, soit à pied, soit à cheval.  Les récits parlent de Florine, fille du duc de Bourgogne, qui se bat aux côtés de son fiancé et qui meurt avec lui.  L'historien arabe Beha-al-Din nous parle de la "femme à la mante verte" qui fait preuve d'un tel courage lors du siège d'Acre, qu'après sa mort, les musulmans, admiratifs, offrent son arc à Saladin.
             Aux femmes qui n'accompagnaient pas leur mari en Terre sainte incombait la lourde tâche d'administrer seules leur fief.  Ainsi Adèle de Blois, la fille de Guillaume le Conquérant, qui s'occupe de l'administration du domaine de son mari et de l'éducation de ses enfants.  L'histoire émouvante de Hugues de Vaudémont et de sa femme, Anne de Lorraine, nous est livrée par une sculpture représentant les deux époux.  Après une absence de seize ans en Terre sainte, le croisé revient et sa femme l'accueille.  Elle avait toujours refusé de se remarier même si son mari passait pour mort.  La sculpture se trouve sur la tombe où reposent côte à côte les deux époux.
Les unions avec les femmes indigènes ne sont pas rares et de nombreux mariages seront célébrés entre les chevaliers francs et les Sarrasines.  Les Francs ne semblent pas se préoccuper de problèmes raciaux à condition que leurs femmes soient chrétiennes ou acceptent de se convertir.  De nombreux mariages servent également de prétexte à différentes alliances dans le royaume de Jérusalem. 
        c. Les chevaliers
            La chevalerie naît au XIe siècle.  Il s'agit avant tout d'un système de pensée qui défend certaines valeurs : l'honneur, la force, le secours aux plus démunis, ...  Des éléments chrétiens, militaires et aristocratiques cimentent cet idéal.  Les nobles chevaliers se distinguent par le port d'un blason.  Le métier des armes, ainsi que l'art du combat à cheval, se transmettent de père en fils.  Les chevaliers qui partent en croisade expriment, par cet acte, les valeurs du christianisme.
            Dans la littérature (les chansons de geste[4], les épopées) et la tradition populaire, les chevaliers sont adorés et mystifiés, mais en réalité, qui étaient les Godefroi de Bouillon, Bohémond de Tarente et Renaud de Châtillon ?
            Les musulmans surnommaient les chevaliers francs "les hommes de fer".  Les armées de croisés revêtus de leur armure métallique brillant sous le soleil de Jérusalem devaient leur offrir un spectacle surnaturel.  Ces protections métalliques qui les empêchaient d'atteindre les chevaliers avec leurs flèches démoralisaient probablement les Arabes qui ne possédaient pas beaucoup d'autres moyens pour combattre.
             Les armées de croisés sont souvent organisées et disciplinées.  Les arbalétriers et les archers qui marchent devant forment une sorte de rideau défensif. 
L'arrière-garde, souvent occupée par des Templiers, est chargée d'éviter les tentatives de prise à revers.  Au moment opportun, le seigneur chargé de la manoeuvre, donne l'ordre de charger.  Les fantassins, en première ligne, s'écartent pour laisser la place aux chevaliers qui se précipitent au galop, leur lance à la main.  Cette tactique de combat surprend plus d'une fois les musulmans qui ont l'impression de voir un mur arriver devant eux.  Pour gagner une bataille, les troupes devaient former une masse compacte et cohérente, car il était très risqué de laisser des intervalles entre les rangs de soldats.
 D. LES FRANCS VUS PAR LES ORIENTAUX   
"Religion, que de crimes
on commet en ton nom !"
A. MAALOUF
             Le regard que posent les Orientaux sur ces "envahisseurs à la longues chevelure blonde" est souvent empreint de stupeur et d'horreur.  Dès leur apparition à Byzance, ils se signalent par leur brutalité et leur grossièreté.  Les hordes de combattants qui arrivent à Constantinople en 1096 surprennent les Byzantins qui ne sont pas mécontents de les voir partir.  Le fille de l'empereur Alexis Ier Comnène, raconte le passage des Occidentaux dans son pays :
"C'était l'Occident entier, tout ce qu'il y a de nations barbares habitant le pays situé entre l'autre rive de l'Adriatique et les Colonnes d'Hercule, c'était tout cela qui émigrait en masse. (...)"
Anne COMNENE, Alexiade, X.
 "Quand tous furent réunis, y compris Godefroi lui-même, et que le serment eut été prêté par chaque comte, un noble eut l'audace de s'asseoir sur le siège du basileus.  Le basileus le souffrit sans mot dire, car il connaissait depuis longtemps la nature arrogante des Latins. (...)"
op. cit.
            Les Arabes, frappés de stupeur, découvrent le comportement et les moeurs de ces "barbares".  Ceux-ci inspirent le mépris à une civilisation arabe culturellement supérieure.
             "Tous ceux qui se sont renseignés sur les Franj ont vu en eux des bêtes qui ont la supériorité du courage et de l'ardeur au combat, mais aucune autre, de même que les animaux ont la supériorité de la force et de l'agression."                                                                                                 Oussama Ibn Mounqidh
             Le comportement des Francs et les exactions qu'ils commettent atteignent parfois le comble de l'horreur. 
            "La population de la ville sainte fut passée au fil de l'épée, et les Franj massacrèrent les musulmans pendant une semaine.  Dans la mosquée al-Aqsa, ils tuèrent plus de soixante-dix mille personnes." 
                                                                                                          IBN AL-ATHIR.
            "Bien des gens furent tués.  Les juifs furent rassemblés dans leur synago­gue et les Franj les y brûlèrent vifs".
                                                                                                IBN AL-QALANISSI.
             S'il est clair que les chiffres relatifs au nombre de victimes sont fantaisistes (Jérusalem comptait environ dix mille personnes avant les massacres), l'horreur réside moins dans le nombre des victimes que dans le sort réservé à la population locale.  Les témoignages de chroniqueurs arabes sont corroborés par ceux de chroniqueurs francs.
            "Toutes les rues, toutes les places étaient couvertes de monceaux de mains, de têtes, de pieds.  On foulait des cadavres d'hommes et de chevaux.  Ce sont là les moindres horreurs ...  Vous ne me croiriez pas si je disais tout ce que j'ai vu ..."
                                                           Raymond D'AGUILERS sur la chute de                                                                                     Jérusalem en 1099.
             "... Le sang coula en si grande quantité qu'il forma des ruisseaux dans la cour royale et que les hommes y trempaient leurs pieds jusqu'aux talons ...  Craignant la mort et frappées de terreur à la vue de cette boucherie, les femmes et les jeunes filles se jetaient vers les pèlerins pendant qu'ils massacraient (...) suppliant des les épargner, en pleurant et en se lamen­tant.  Les petits enfants, voyant la triste fin de leurs parents, augmen­taient l'horreur de ces scènes par leurs cris horribles et leurs larmes amères.  Mais c'était inutilement qu'on implorait la pitié des chrétiens; leur âme était si complètement livrée à la fureur du carnage qu'ils tuè­rent tout et que pas un enfant à la mamelle ne fut épargné.  Toutes les places de Jérusalem furent couvertes de monceaux de cadavres, de femmes, d'hommes et d'enfants."                                                                                                         Albert d'AIX.
            Dans la ville de Maara, en Syrie, les croisés se livrent même à des actes de cannibalisme. Sur ces événements, les témoignages de chroni­queurs occidentaux (Histoire anonyme de la première croisade) conver­gent avec les témoignages des Arabes.  Mais seuls les Occidentaux parlent de cannibalisme.
            "A Maara, les nôtres faisaient bouillir des païens adultes dans les marmi­tes, ils fixaient les enfants sur des broches et les dévoraient grillés."                                                                                            Raoul de CAEN.
             "Les nôtres ne répugnaient pas à manger non seulement des Turcs et des Sarrasins tués mais aussi des chiens."                                                                                           Albert d'AIX.
           
            A la lumière de ces témoignages, faut-il en déduire que les Francs étaient tous animés par une sauvagerie inouïe?  Doit-on penser que l'Occident "barbare" avec son cortège de violences et de massacres soit venu entacher l'Orient de ses
horreurs ?     Lorsque l'on étudie une période de l'Histoire en essayant de découvrir les événements qui l'ont jalonnée, il faut éviter les pièges de l'anachronisme.  L'historien ou plus modestement, l'étudiant qui effec­tue des recherches, doit se garder de toute vision simpliste.    Période souvent méprisée, ignorée, les clichés et les idées reçues sur le Moyen Age abondent.  Régine Pernoud, dans son livre Pour en finir avec le Moyen Age, remet en cause toute une série d'idées erronées concernant pratiquement mille ans d'histoire !  L'historienne démontre, par une foule d'exemples, que le Moyen Age regorge de richesses et de beautés tant au point de vue esthétique que littéraire.  Non, ces hommes n'étaient pas tous "frustes et ignares" !
             Pour en revenir à nos "chevaliers blonds" et à leurs moeurs, il est nécessaire de les replacer dans le contexte socio-culturel de l'époque.  Les multiples invasions des Hongrois et des Scandinaves (IXe et Xe siècles) ont plongé l'Europe dans un profond désarroi. La terre, seule source de richesse, doit être absolument protégée. L'insécurité oblige les plus faibles à chercher un protecteur.  Période certes troublée, peut-on toutefois affirmer que la violence engendrée par l'insécurité soit l'apanage du Moyen Age ?    
           La foi anime probablement un grand nombre de croisés qui partent délivrer le tombeau du Christ.  La tolérance (qu'elle touche à la religion ou à la pensée) n'était pas une valeur défendue comme aujourd'hui.  Les chrétiens de l'époque n'imaginaient pas la coexistence de deux reli­gions possible.  Il ne faut pas confondre les exactions commises par des hordes sanguinaires avec la plupart des expéditions menées en Terre sainte. 
            Malgré toutes ces réflexions, il n'en demeure pas moins que les croisades menées par les Occidentaux furent perçues très négati­vement par les Orientaux et que certains actes commis par les Francs (fussent-ils inspirés par une foi sans limite) sont condamnables.

[1] Dans l'ouvrage de Régine PERNOUD, Les hommes de la Croisade, Marabout Unviversité, p. 49. [2] Dans l'ouvrage de Régine PERNOUD, op. cit.
[3] La personnalité de Pierre l'Ermite suscite encore de nombreuses interrogations de nos jours.   
    Sur le sujet, le lecteur peut se rapporter à l'ouvrage d'Anne MORELLI, Les grands mythes de     
l'Histoire de Belgique.

[4] "geste" signifie exploits.  Donne l'image d'une société guerrière au traits simplifiés et amplifiées, société féodale avec son fanatisme religieux contre le "Sarrasin"; ce fanatisme se manifeste à période dans les premières croisades. (Précis d'histoire de la littérature française)

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